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Evelyne

La modélisation énergétique vs la réalité

Après avoir vécu pendant deux ans dans notre Maison Passive, comment est-ce que sa consommation énergétique réelle se compare au modèle énergétique utilisé lors de sa conception?



Un modèle énergétique est une réplique numérique d'un bâtiment qui simule les gains et les pertes de chaleur en fonction des caractéristiques du bâtiment et du climat. Il permet d'optimiser la conception en testant différentes options et en quantifiant leur impact sur la consommation d'énergie. Comme pour tout outil, il est important de comprendre le potentiel et les limites du modèle énergétique. Comme le dit l'adage, "tous les modèles sont faux, mais certains sont utiles". Un modèle énergétique ne peut pas prédire parfaitement la consommation d'énergie parce qu'il y a trop de variables en jeu, y compris le comportement des humains qui occupent les bâtiments, mais c'est un outil puissant pour prendre des décisions éclairées lors de la conception.


Commençons par définir quelques paramètres et par décrire la manière dont les données ont été collectées, puis nous comparerons la consommation d'énergie réelle de la maison avec le modèle.


 

Mesures de performance


L'intensité de la demande d'énergie thermique (IDET) est la demande annuelle d'énergie pour le chauffage des locaux. Elle représente le chauffage nécessaire pour équilibrer les gains et les pertes d'énergie afin de maintenir une température intérieure stable. L'Intensité de la demande en énergie thermique est exprimée en kWh de demande de chauffage par m2 de surface de plancher, ce qui permet de comparer facilement la performance de différents bâtiments. Le chauffage représente la part la plus importante de la consommation d'énergie, c'est pourquoi il fait l'objet d'une mesure spécifique.


Statistiques du Guide de données sur la consommation d'énergie de Ressources Naturelles Canada


  • L'IDET moyenne des bâtiments résidentiels au Canada est 111 kWh/m2 par an.

  • La norme internationale Maison Passive (Passivhaus) limite l'IDET à 15 kWh/m2 par an.

L'IDET est également un bon indicateur de la résilience thermique d'un bâtiment, c'est à dire sa capacité de maintenir des températures vivables en cas de panne d'électricité prolongée. Il s'agit d'une considération importante face aux événements météorologiques extrêmes de plus en plus fréquents dus au changement climatique..


Intensité énergétique maximale (IEM) est la consommation énergétique totale d'un bâtiment, divisée par sa superficie de plancher (une fois encore, pour faciliter les comparaisons entre différents bâtiments). L'intensité énergétique maximale serait la somme de toutes les parts du diagramme circulaire ci-dessus, en kWh/m2.


  • L'IEM moyenne des bâtiments résidentiels au Canada is 181 kWh/m2 par an.

  • Pour ce projet, le modèle PHPP* estime une IEM de 65 kWh/m2 par an si on utilise le poêle à bois et les plinthes électriques pour le chauffage, ou 49 kWh/m2 si on utilise uniquement plinthes électriques.


*PHPP est le "Passive House Planning Package", l'outil de modélisation énergétique utilisé pour la certification selon la norme Maison Passive Internationale.


 

Collecte de données


Notre maison est entièrement électrique, à l'exception d'un petit poêle à bois qui est rarement utilisé. De temps en temps, nous allumons un feu lors d'un dîner de fête ou d'une panne de courant, mais c'est suffisamment rare pour que ce soit raisonnable d'exclure le poêle à bois de nos calculs afin de garder les choses simples. Pour la certification PHI, notre certificateur nous a demandé de modéliser la source de chauffage des locaux à 50 % poêle à bois + 50 % plinthes électriques, ce qui est plus conservateur car le poêle à bois est moins efficace. Puisque notre consommation réelle est presque à 100 % électrique, j'ai créé une version du modèle énergétique qui est entièrement électrique pour une comparaison d'égal à égal.

Données d'IDET


La collecte de données sur notre consommation énergétique pour le chauffage était facile grâce aux thermostats intelligents de Sinope. Nous avons également un "interrupteur intelligent" de Sinope pour notre réservoir d'eau chaude, ce qui permet de mesurer sa consommation d'énergie.


Nous participons au programme de tarification dynamique d'Hydro-Québec, ce qui signifie que l'électricité est moins chère que le tarif de base habituel en hiver, sauf pendant les périodes de pointe (temps plus froid) quand le tarif augmente pour encourager les gens à réduire leur consommation pour moins solliciter le réseau. Ces thermostats et interrupteurs "intelligents" ont l'avantage de pouvoir couper automatiquement le chauffage lors des périodes de pointe. Avec une maison passive et des thermostats automatisés, nous ne remarquons même pas les périodes de pointe, même lorsqu'il fait -31°C à l'extérieur et que le chauffage est éteint depuis 2,5 heures, comme le montre l'image ci-dessous.


Nos extrêmes climatiques: -31C en hiver et +34C en été!


Données d'IEM


Normalement, il suffit d'additionner les factures d'électricité, de les diviser par la surface de plancher et, hop, on obtient une donnée réelle d'intensité énergétique maximale ! Dans notre cas, les calculs étaient plus compliquées car nous vivons sur une ferme, donc j'ai du soustraire la consommation liée aux utilisations non-résidentielles afin d'isoler la consommation d'énergie de la maison, à savoir :


  • Charger notre voiture électrique ;

  • La consommation énergétique de la grange et l'atelier ;

  • Le dégivreur d'abreuvoir, un élément chauffant qui fournit l'eau potable aux chevaux et aux moutons en hiver ;

  • Le chauffe-bloc de notre vieux tracteur, un mastodonte de l'ère soviétique qui sert à déplacer des balles de foin de 500 livres une fois par semaine et à effectuer des travaux occasionnels.


Consommation énergétique non-résidentielle: le véhicule électrique, la grange, le dégivreur d'abreuvoir et le chauffe-bloc du tracteur.

 

La réalité vs le modèle énergétique


Comparaison d'IDET


L'intensité de la demande en énergie thermique réelle est assez proche de celle du modèle PHPP 100% électrique. L'écart entre les valeurs réelles et modélisées est inférieur à 3 kWh/m2, et ce léger décalage peut être attribué aux variations de conditions météorologiques d'une année à l'autre. À titre de comparaison, j'ai inclus l'IDET de la version "conventionnelle" de notre maison où j'ai réduit sa performance aux exigences minimales du code de construction (c'est la même version utilisée dans cette étude de carbone opérationnel et intrinsèque).



Les choses deviennent encore plus intéressantes lorsque l'on examine la consommation mensuelle d'énergie pour le chauffage (ci-dessous). Notre saison de chauffage est réduite de trois mois par rapport au modèle "conventionnel", ce qui correspond à notre expérience vécue lorsqu'on habitait dans notre ancienne maison mal isolée. Dans la maison passive, nous n'avons besoin de chauffage que de novembre à mars, ce qui est une saison exceptionnellement courte pour notre climat.


La consommation mensuelle entre 2022 et 2023 correspond assez bien, l'écart le plus important se produisant en novembre 2023. Cet hiver a été exceptionnellement doux et nuageux. Lorsque le soleil est présent, il fournit toute la chaleur dont nous avons besoin, même lorsqu'il fait très froid (-20°C ou moins), mais en l'absence de soleil, les plinthes fonctionnent plus fréquemment.




Bay, le petit cheval retraité, témoigne de la grisaille, du brouillard et de la température douce de l'hiver 2023 et regrette de s'être fait pousser un manteau d'hiver aussi laineux.


Comparaison d'IEM


L'intensité d'énergie maximale est aussi rapprochée entre les valeurs réelles et modélisées.


Les données pour l'intensité d'énergie maximale sont divisées en trois catégories :


  • Le chauffage des locaux, avec des données réelles mesurées par les thermostats;

  • L'eau chaude, avec des données réelles mesurées par l'interrupteur "intelligent"

  • "Autre" pour tout le reste (consommation totale - chauffage - eau chaude = "autre")


C'est dans la catégorie "autres" que nous observons le plus grand écart entre la consommation réelle et modélisée. Nous essayons toujours de comprendre pourquoi, et nous émettons les hypothèses suivantes (non prouvées) sur ce qui pourrait consommer cette énergie :


  • Le dégivreur du ventilateur ;

  • La pompe pour le puits artésien ;

  • La pompe pour le champ d'épuration.


Les "autres" charges plus élevées que prévu sont partiellement compensées par une réduction de la consommation d'énergie pour l'eau chaude, de sorte que la consommation d'énergie globale reste proche de l'estimation modélisée.


Conclusion


Bien qu'il y ait de légères différences entre la consommation modélisée et la réelle, avec des variations d'une année sur l'autre en fonction des conditions météorologiques, dans l'ensemble, la maison se comporte comme prévu. La résilience thermique a été l'aspect le plus impressionnant de la vie dans une maison passive : même si nous savions à quoi nous attendre en théorie, c'est quand même extraordinaire d'être dans une maison douillette et confortable où le chauffage n'a pas besoin de s'allumer lorsqu'il fait un froid glacial dehors, tant que le soleil brille.


Les chats sont eux aussi 100% favorables à ce système de chauffage alimenté par les rayons du soleil !





Remerciements

Un grand merci à mon partenaire dans la vie et dans la recherche, Jeff Turner, qui m'a aidé à trouver et estimer la consommation énergétique non-résidentielle. Il a également gracieusement fait part de ses commentaires sur l'article.



Références

Les statistiques sur la consommation d'énergie des bâtiments canadiens proviennent du Guide d'utilisation des données sur l'énergie de Ressources naturelles Canada. J'ai utilisé les données de 2020 car elles étaient les plus récentes au moment de la publication.



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